Des militantes du collectif « Nous Vivrons », né après le 7 octobre contre l'antisémitisme, lors d’une marche dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes,
Caroline Fourest
« Qu'il faisait beau et doux ce 8 mars, place Vendôme. Nous étions pour une fois réunis. Et le ministre de la Justice tourna d'une main tremblante la machine commandée par Napoléon, pour sceller le droit de recourir à l'IVG dans notre Constitution. Tout ce temps, j'ai pensé aux Américaines, aux Hongroises, aux Polonaises, aux combats qu'il a fallu mener contre les intégristes, à la peur de voir un jour l'extrême droite déchirer ce sceau, et j'ai savouré ce bref instant. Un moment suspendu, de trêve politique, où un président sourit aux côtés des représentantes de l'opposition, sous des éclats de joie et des applaudissements crépitants. À la fin, un vibrant « Debout, femmes esclaves, et brisons nos entraves… », ce chant des partisanes connu des militantes, est monté au ciel. Sur l'esplanade, réellement émue par ce moment de grâce en République agitée, parfois bordélisée, Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale, s'est approchée de Mathilde Panot pour l'embrasser, comme une sœur. Oui, à cet instant, la sororité régnait place Vendôme. Et la concorde aussi.
En passant les cordons de sécurité pour quitter les lieux, j'ai réalisé qu'il fallait cette haute garde pour pouvoir se rendre à une manifestation féministe le cœur léger… Sans redouter d'être agressée ou insultée par des intersectionnels, indigénistes et pro-islamistes. Comme ceux me traitant d'« islamophobe », et parfois m'attaquant physiquement pour avoir critiqué le voile ou tenu tête à Tariq Ramadan. À cause d'eux, je ne participe plus au 8 mars depuis des années.
Les militantes iraniennes de Femme, Vie, Liberté ou juives de Nous vivrons ont encore ce courage. Sachant qu'elles allaient marcher avec des pancartes dénonçant les viols du 7 octobre et le sort des otages, elles ont dû prévoir un service d'ordre. Ce qui en dit long. Sans cette précaution, qui peut prédire ce qui leur serait arrivé. Les vidéos trahissent la rage de militants venus les repousser avec des drapeaux palestiniens et quelques tessons de verre, en criant « Sionistes, fascistes, vous n'êtes pas féministes ! ». Tel Omar Alsoumi, d'Urgence Palestine, filmé ici bouteilles à la main, et ailleurs dans des manifestations du collectif Cheikh Yassine. Sur une image, l'une des manifestantes les plus excitées, voilée, leur crie « Sales putes ». Preuve d'un féminisme encore mal assimilé. Pour les violences, la justice est saisie. Mais sur le fond ? Deux jours auparavant, l'idole américaine de ces féministes pro-voile, Judith Butler, doutait ouvertement des viols du 7 octobre (elle attend les preuves), tout en affirmant avec certitude que ces massacres étaient un « acte de résistance armée ».
N'en doutons pas, ce 8 mars révèle une vérité sinistre : nos luttes ont été colonisées. Par des gauchistes américaines alliées à des militants décoloniaux qui, sous prétexte d'antiracisme, soumettent le féminisme à leurs priorités machistes : le voile et le viol. Il faut refuser cette terreur, inlassablement. Nous réapproprier nos corps et nos luttes. »
Magazine Franc-Tireur-N° 122
Mercredi 13 mars 2024